Histoire de l'extraction : Moyen Âge 500/ 1500

Pendant le haut Moyen Âge (Ve-Xe siècles), l’activité extractive se maintient grâce à la production des sarcophages, en particulier en Auvergne, où la présence de roches volcaniques favorise la spécialisation de certaines carrières. La « domite », par exemple, provient des anciens volcans entourant le Puy de Dôme ; c’est elle que les Gallo-Romains ont utilisée pour bâtir, au sommet de cette montagne, le temple de Mercure, dont les blocs seront réutilisés, après son démontage, pour réaliser des sarcophages.

Après une légère reprise, variable suivant les régions, à l’époque carolingienne, le véritable redémarrage et l’essor de l’activité d’extraction se place au XIIe siècle. Construction ou reconstruction des églises Saint-Martin-des-Champs, Saint-Germain-des-Prés, de la cathédrale Notre-Dame, du château du Louvre, de l’enceinte de Philippe Auguste : à Paris, les commandes de pierre pour les grands chantiers ecclésiastiques et royaux sont énormes et ont pour conséquence de développer et structurer l’activité. Sous la pression de la demande, en étant obligés de progresser plus loin dans le cœur des collines, les carriers atteignent des masses de pierre de meilleure qualité. Puis, les quantités de matériaux de recouvrement devenant de plus en plus importantes et complexes à enlever, ils passent en mode souterrain.

Les dimensions désormais considérables des ateliers souterrains obligeaient les charretiers à accomplir des trajets de plus en plus longs et compliqués dans les galeries. Aussi les carriers, dans le courant du XIIIe siècle, optent pour une mutation technologique de première importance : percer des puits d’extraction bien au-delà des entrées. Les puits étaient surmontés de treuils activés par un homme gravissant inlassablement les échelons d’une roue en charpente.

Au fil du temps, leur savoir sur les matériaux exploités s’affinant, les carriers deviennent capables de distinguer la pierre de construction de la pierre pour la statuaire, de choisir les matériaux les plus aptes à constituer des dallages ou des pierres tombales. Leur expertise leur permet de déterminer comment la roche doit être découpée dans son gisement puis taillée, en fonction du sens dans lequel elle sera posée dans la construction : longitudinalement par rapport à sa strate de sédimentation (on dit alors « sur lit »), ou perpendiculairement, « en délit », pour les panneaux posés « sur champ », les colonnettes ou les ornements qui deviennent un des traits marquant du gothique né en Île-de-France, en Picardie et en Normandie.

À l’issue de la guerre de Cent Ans, certains lieux de productions ont acquis une telle renommée que l’aire géographique de leur dispersion se trouve fortement élargie. Ainsi en est-il des carrières de Saint-Leu-d’Esserent, dans la vallée de l’Oise : leur pierre jaune clair s’exporte largement dans toutes les villes desservies par les voies navigables du bassin de la Seine et sert massivement pour bâtir Paris à la fin du Moyen Âge ; c’est à elle que la tour de Beurre de la cathédrale de Rouen et le transept flamboyant de celle de Sens doivent leur couleur insolite. Même destin pour le tuffeau de la vallée du Cher, extrait dans les carrières de Bourré et de Saint-Aignan : au XVe siècle, cette pierre légère et facile à tailler supplante à Tours le calcaire local de Saint-Avertin et fait à Orléans une large concurrence aux pierres de la Beauce.